Question :

Bonjour Monsieur, Je me permets de vous contacter suite au cours donné en Pass à Lyon Est. Lorsque vous avez fait référence à Gordon, vous avez donné comme exemple de prévention universelle le dépistage néonatal. Pourtant, on sélectionne un groupe au sein de la population : les nouveau-nés. Pourquoi n'est-ce pas de la prévention sélective ? Si le critère est l'âge, pourquoi alors considérer le dépistage organisé du cancer du sein pour les femmes de 50 à 74 ans comme de la prévention sélective ?

Bonne journée.

Réponse :

Bonjour à vous,

Ce que je peux vous proposer, c’est d’aller directement à la source en regardant de plus près ce que dit le scientifique états-unien Robert S. Gordon Jr dans sa lettre publié en de 1983 appelée « An operational classification of disease prevention » (« Une classification opérationnelle de la prévention des maladies ») et publiée dans la revue Public Health Reports. Toutes les citations entre guillemets de cette réponse proviennent de cette lettre.

Dans cette lettre, Gordon trouve des limites à la classification primaire / secondaire / tertiaire et propose « une approche alternative à cette classification plus proche des considérations pratiques qui gouvernent l’application adaptée d’interventions préventives ».

  • PRÉVENTION UNIVERSELLE : « une mesure souhaitable pour tout le monde » qui, « dans la plupart des cas, peut être appliqué sans avis ou assistance professionnelle ». En résumé, des mesures que l’on peut prendre pour tout individu, sans réfléchir. Gordon prend pour exemple le port de la ceinture de sécurité ou l’hygiène dentaire.
  • PRÉVENTION SÉLECTIVE : « la mesure peut être recommandée seulement quand l’individu est membre d’un sous-groupe de la population selon son âge, son sexe, son métier, ou d’autres caractéristiques dont le risque de tomber malade est au-dessus de la moyenne » pour une raison de balance entre le bénéfice et le risque ou le coût est plus intéressant dans ces sous-groupes. Gordon prend pour exemple l’immunisation contre la rage pour les vétérinaires ou la vaccination contre la grippe pour les personnes âgées.
  • PRÉVENTION INDIQUÉE : pour les « personnes qui, après évaluation, présentent un facteur de risque, un problème ou une anomalie qui les identifie, individuellement, comme étant à risque suffisamment haut pour requérir une intervention préventive ». On ne propose ces mesures préventives qu’à un petit nombre de personnes très à risque car ce type de mesure « n’est habituellement pas bénin ou limité en coût ». Gordon prend pour exemple un traitement uricosurique (favorisant l’élimination de l’acide urique par les urines) pour les personnes avec une hyperuricémie (concentration élevée d’acide urique) sans symptômes.

Vous avez tout à fait raison, le dépistage prénatal s’adresse plutôt à une population particulière du fait de son âge, donc le dépistage néonatal est plutôt de la prévention sélective (comme le dépistage du cancer du sein) et non pas universelle.

Les diapositives ont été corrigées en conséquence sur Moodle.

Merci de votre vigilance !

Bonne journée,

Sander de Souza

Source : Gordon RS Jr. An operational classification of disease prevention. Public Health Rep. 1983 Mar-Apr;98(2):107-9. PMID: 6856733; PMCID: PMC1424415 : https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC1424415/